Citations

«Il faut toujours faire confiance aux scénaristes qui lisent.» Alessandro Baricco. Une certaine vision du monde.

mardi 8 mai 2012

L’homme sans cervelle



 Deux choses m’ont inspiré ce texte. Ce gag de Mafalda de Quino.

 Et cette phrase attribuée à Winston Churchill (traduite librement par moi) : «Celui qui n’est pas un libéral à 20 ans n’a pas de cœur; celui qui n’est pas conservateur à 40 ans, n’a pas de cerveau.»

J’ai toujours admiré Winston Churchill pour son sens de la répartie. Mais cette phrase, j’ai toujours su que je n’allais jamais y adhérer.

Je vais avoir 43 ans dans quelques jours et je constate que les idéaux et les valeurs que je défendais à 20 ans sont les mêmes qui m’habitent aujourd’hui. Après avoir énormément lu et m’être beaucoup informé ces dernières vingt années, force m’est de constater que les discours des lucides et des tenants du néolibéralisme n’ont jamais réussi à me convaincre de retourner ma veste.

Au contraire, je suis de plus en plus convaincu des iniquités de la société et du devoir de résistance qui en découle.

Si mon désir de justice social, mon envie de défendre les plus démunis, mon besoin de vouloir parler pour les sans-voix veulent dire que je suis sans cervelle, eh bien, je le revendique avec plaisir. À défaut de cervelle, j’ai toujours mon cœur de 20 ans.

Mais avec le cœur, vient une voix.

Se taire n’est pas une option

Maryse Gaudreault, la député de Hull au provincial, l’a dit : «Ce groupe de professeurs [Les profs contre la hausse] ne cherche qu’à politiser le débat et ce n’est pas leur rôle. Ces professeurs sont des employés de l’État, ils n’ont pas à se mêler de tout ça»  (Le Droit, 19 avril 2012, page 6).

Un professeur, partisan de la hausse, me l’a répété : «Nous avons le devoir de rester neutres».

Un autre collègue, chargé de cours dans un autre département, me l’a crié dans les corridors de l’Université «C’est de votre faute si les étudiants sont en grève!  Par vos actions, vous êtes responsables de tout cela». J’ai essayé de discuter, mais face à son ton agressif, j’ai abandonné la conversation. En le quittant, à mon «Bonne journée», il a répliqué : «Bonne journée ! Et enlevez immédiatement votre carré rouge!»

Rester neutre ? Se taire ? Je ne crois pas. En tant qu’intellectuels et professeurs d’université, il est de notre devoir, au contraire, d’intervenir dans l’espace public. Je le fais régulièrement en ce qui concerne la bande dessinée, mon champ de recherche, en collaborant avec les journaux, la radio et la télévision. 

Mais nous sommes également des citoyens et, de par notre position et notre capacité à réfléchir et à analyser, nous nous devons d’apporter notre voix aux débats de société. Comme l’a fait le sociologue Pierre Bourdieu lors des grèves en France en 1995.

Et lorsque ce débat concerne l’université et, surtout, son accessibilité et sa gérance, nous ne pouvons observer tout cela en restant cois. Nous sommes les premiers acteurs dans ce dossier et, à ce titre, nous avons le devoir, au contraire, de faire entendre nos voix.

Se taire ? Jamais !



4 commentaires:

  1. Bravo ! J'applaudis intérieurement. J'aurais pu écrire ce billet avec mes 58 ans, mais je n'ai pas à démontrer le courage que vous démontrez à tous les jours. Oui, il me faudrait du courage pour faire face à l'agressivité ambiante de mon lieu de travail (exemple ce prof, qui vous commande de retirer votre carré rouge, j'en serais bouleversée).

    Votre manière de penser va avec ce principe que, moi aussi, je défends dans toutes les sphères de ma vie à savoir que nous sommes des êtres humains, AVANT d'être le rôle ou la fonction que nous occupons. Plusieurs s'identifient à leur rôle ou fonction ou l'oublient quand ça fait leur affaire de l'oublier.

    Merci, d'être un bel exemple de courage pour moi.

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  2. Bravo Sylvain ! Comme c'est bien dit ! je suis vraiment désolée de savoir qu'il y a des collègues qui osent te parler ainsi... on n'a pas une résolution contre l'intimidation, nous ?

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  3. Topez là jeune homme! (j'ai 68 ans...)
    Vous me voyez ravie de ce billet. J'ai toujours trouvé cette réflexion du grand homme simplette, pour ne pas dire facile!
    Demeurer un homme (ou une femme) libre, refuser de s'identifier à un rôle, une fonction, à toute compartimentation que ce soit, c'est Vivre mon cher Sylvain, vivre en être humain. Bravo pour votre engagement et bonne continuation.

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  4. Très bien dit! Je me juge très fortunée de lire cet aperçu plus personnel et humain de la situation. La plupart des média résument le débat à un simple jeu d'échecs entre le gouvernement et les étudiants. J'ai beaucoup de respect pour la sensibilité et la détermination de tes convictions. Bon courage!

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